L’ENSEIGNEMENT DES DROITS DE LA NATURE

Sur différents continents et à des niveaux variés, du primaire à l’université, les Droits de la Nature, la Jurisprudence de la Terre et plus largement le changement de la relation de l’Homme à la Nature font l’objet d’un enseignement croissant. Une dynamique essentielle pour transformer la vision que les juristes se font du droit et les jeunes du monde.

Le besoin d’un enseignement nouveau

L’université est une des structures sociétales où se transmet et se perpétue une vision anthropocentrée et dominatrice du monde vivant selon Thomas Berry, philosophe à l’origine de la Jurisprudence de la Terre. « Nos institutions éducatives doivent avoir pour objectif non pas de former un personnel à l’exploitation de la Terre mais de guider les étudiants vers une relation intime à la Terre » explique-t-il dans son livre The Great Work. Selon la Jurisprudence de la Terre, l’univers et la Terre sont les législateurs primaires, les sources premières des lois et mécanismes qui régissent le Vivant, et chaque entité naturelle est titulaire de droits, à commencer par celui de jouer son rôle au sein de la communauté de la Terre. Pour Berry, c’est donc à l’université, là où se façonnent et se structurent les idées qu’il est essentiel de proposer une nouvelle vision du rapport de l’Homme à la Nature : un Homme dans la Nature, membre accompagnateur de la Communauté de la Terre au sein de laquelle il doit entretenir des rapports mutuellement bénéfiques avec les autres espèces et écosystèmes, tous titulaires de droits.

Cet appel à renouveler l’enseignement du droit et plus largement notre rapport au monde, les Nations Unies s’en font également l’écho. Les experts du réseau onusien Harmonie avec la Nature appelaient en 2016 à l’enseignement et la sensibilisation en milieux scolaire et universitaire à la Jurisprudence de la Terre. « L’éducation   et   la   sensibilisation   sont   essentielles   pour   comprendre l’interconnexion   des   systèmes   vivants   et   pour   veiller   à   ce   que   l ’appartenance   des   êtres humains au système terrestre soit reconnue et respectée » indiquent les experts dans la résolution A/71/266 de l’Assemblée Générale de l’ONU. Transmettre ces nouveaux concepts aux jeunes générations leur permettra de contribuer à transformer progressivement nos lois et systèmes de gouvernance. A commencer par les professionnels du droit, comme les y invite le Rachel Carson Center. « Les juristes doivent imaginer les cadres des Droits de la Nature comme le concept le plus innovant et inspirant pour préserver la planète et l’Humanité » souligne le Centre dans son rapport « Can Nature have rights? » paru en 2017.

L’éducation aux Droits de la Nature est en plein développement

Outre la protection de la Nature en son nom propre devant les tribunaux, les Droits de la Nature et la Jurisprudence de la Terre visent à transformer nos lois actuelles afin de les mettre en adéquation aux mécanismes de la biosphère. Pour ce faire, des nouveaux enseignements fleurissent et se développent à travers le monde de l’école à l’université. En voici quelques exemples parmi de nombreuses initiatives.

Aux Etats-Unis

Les Droits de la Nature sont enseignés dans différentes universités notamment dans l’Oregon et le Vermont. C’est d’ailleurs à l’Ecole du Droit du Vermont que s’est créée en 2017 la première association d’étudiants en Droit entièrement dédiée aux Droits de la Nature. Autre fait majeur, la rédaction du tout premier livre de Droit exclusivement consacré aux Droits de la Nature sera achevée en 2019. L’ouvrage sera à destination des facultés de Droit américaines afin de démultiplier cet enseignement.

Au Canada

Dans le cadre de son programme « Une économie pour l’Anthropocène », l’Université McGill à Montréal a tissé un partenariat de recherche et de formation avec l’Association pour le Droit et la Gouvernance Ecologiques. Ce projet de recherche vise à définir de nouvelles formes de droit et de gouvernance destinées à atteindre une relation de réciprocité entre l’Homme et la Terre. Et ce, grâce notamment à la science moderne et aux systèmes de savoirs traditionnels.

En Amérique Latine

A l’instar de l’Université du Littoral de Santa Fe en Argentine ou de celle de Guayaquil en Equateur, des cours de Droits de la Nature sont dispensés sur le continent. Au niveau scolaire, la Bolivie, pays qui reconnaît les Droits de la Nature, fait figure de locomotive. La loi sur l’éducation de 2010 a institué un enseignement aux concepts de la vie en harmonie et en équilibre avec la Terre nourricière, notions en phase avec la Jurisprudence de la Terre. Après que les 130 000 enseignants du pays aient été formés en 2012, ces cours sont progressivement dispensés dans toutes les écoles du pays depuis 2013.

En Europe

Fin 2017, la Commission européenne a amorcé le financement d’un projet de coopération de trois ans destiné à créer le premier Master sur les Droits de la Nature et la consolidation de la paix. Des universités de Colombie, d’Equateur, de France ou encore d’Italie participent à ce projet. Par ailleurs en Suède, l’école populaire Farnebo à Osterfarnebo a mis en place un enseignement pour les élèves du secondaire dédié aux Droits de la Nature et au concept de buen vivir. Les Droits de la Nature sont également enseignés à l’université en Irlande depuis 2017.

En Afrique

Sous l’impulsion de la Fondation Gaia, un mouvement africain se développe autour de la Jurisprudence de la Terre. Des juristes d’Afrique du Sud, d’Ethiopie, du Kenya, d’Ouganda, ou encore du Zimbabwe ont été récemment formés à la Jurisprudence de la Terre. Aujourd’hui ambassadeurs des « Lois de la Nature et du renouement avec la Terre », ils sensibilisent le grand public via des conférences et les médias.

En Nouvelle-Zélande

Tout comme aux USA et au Canada, l’Université de Canterbury a introduit dans ses programmes des modules d’enseignement sur les Droits de la Nature et la Jurisprudence de la Terre. Suite à ces cours, des étudiants choisissent de se spécialiser dans le cadre de travaux de recherche sur les Droits de la Nature.

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