Par une décision historique, la Cour suprême colombienne a reconnu le 5 avril 2018 la partie de l’Amazonie tapissant son territoire comme sujet de droits. Elle enjoint le gouvernement à déployer un plan de lutte contre la déforestation. Cette reconnaissance intervient moins de deux ans après que la Cour constitutionnelle de Colombie ait elle-même reconnu en 2016 la rivière Atrato en tant que personne titulaire de droits.
Le symbole est à la mesure du signal envoyé à la planète : considérable. Dans sa décision du 5 avril dernier, la Cour suprême de Colombie a énoncé que « l’Amazonie colombienne est reconnue en tant qu’entité, sujet de droits ». Et d’ajouter qu’en cette qualité, l’écosystème dans son ensemble est titulaire des droits « à la protection, à la préservation, au maintien et à la restauration ».
Droit à un environnement sain et Droits de la Nature
La Cour s’est prononcée dans une affaire opposant 25 jeunes et enfants au gouvernement colombien. Epaulés par l’ONG Dejusticia, les requérants poursuivaient leur Etat en raison des atteintes à leurs droits à la vie et à un environnement sain que font peser les insuffisances du gouvernement à lutter contre la déforestation, catalyseur de changement climatique. En donnant raison aux plaignants, la Haute juridiction ordonne à l’Etat de mettre en place un plan de lutte contre la déforestation sous quatre mois.
En somme, c’est sur la base d’une demande relative au respect d’un droit de l’Homme, en l’occurence le droit à l’environnement sain, qu’ont été reconnus les droits de la forêt et du fleuve Amazone. Ce jugement illustre ainsi la transversalité des enjeux de justice climatique, de droits humains et droits de la Nature. Si elle est historique, cette décision n’est toutefois pas une première en Colombie. En novembre 2016, la Cour constitutionnelle reconnaissait les droits de la rivière Atrato.
Transformer la jurisprudence pour un nouveau rapport à la Nature
Dans sa décision du 5 avril 2018, la Cour suprême s’est d’ailleurs appuyée en la citant sur l’opinion émise en 2016 par la Cour constitutionnelle qui déclarait alors qu’il est « nécessaire de faire progresser la jurisprudence » afin de changer la relation de l’Humanité à la Nature « avant qu’il ne soit trop tard ou que les dommages ne soient irréversibles ».
Aussi, dans un contexte d’accélération du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité mondiale, cette décision de la Cour suprême colombienne est d’importance capitale pour le développement du mouvement des Droits de la Nature à travers le monde à différents égards. Pour n’en citer que deux, l’arrêt reconnaît d’une part sujet de droits un écosystème hautement symbolique, la forêt amazonienne, à la fois premier puits de carbone et principal foyer de biodiversité terrestres. Le texte couronne d’autre part une victoire de la société civile, laquelle s’inscrit résolument comme un acteur de premier plan dans le mouvement planétaire de reconnaissance des Droits de la Nature.
Nicolas Blain (@Nicolas_Blain sur Twitter)